Osechi ryôri, la cuisine du Nouvel An 御節料理
La nourriture des dieux
Que serait le Nouvel An japonais sans osechi-ryôri, cet ensemble de plats spéciaux consommés les trois premiers jours de l'année ? Une tradition qui puise sa source dans les croyances ancestrales des Japonais.
Dans le Japon antique, les habitants avaient coutume de faire des offrandes de nourriture aux dieux (les kami du shintoïsme) lors de certaines fêtes saisonnières. Osechi ryôri est le nom désignant ce genre d’offrandes, que les humains consommaient après les avoir présentées sur un autel. On parlait alors de "partage de la nourriture avec les dieux". De nos jours, osechi ryôri désigne les plats spéciaux consommés au Nouvel An.
Trois jours de festin
Autrefois, les ménagères passaient de longues journées pour préparer à l’avance toutes sortes de plats spécifiques à cette fête afin qu’ils puissent être consommés durant les trois premiers jours de l’an. Les 1er, 2e et 3e jours de l’année étaient des jours de repos absolu, afin de ne pas déranger les divinités et pour que les humains reprennent des forces avant les durs labeurs des champs.
Une myriade d'ingrédients
C’est pourquoi la cuisine o-sechi est constituée d’ingrédients salés, vinaigrés ou encore très sucrés, qui se conservent longtemps. Ces plats traditionnels diffèrent légèrement selon les familles et surtout les régions. Mais certains ingrédients, emprunts de symbolisme, sont absolument nécessaires.Autrefois, ils étaient arrangés dans quatre ou cinq boîtes laquées superposées(jûbako) – qui, de nos jours, sont souvent réduites au nombre de trois, voire deux. On dispose ces boîtes les unes à côté des autres au moment de manger et on les referme jusqu’au repas suivant.
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Baguettes de fête
Ces plats se consomment du petit-déjeuner au dîner et sont toujours accompagnés de saké chaud et d’un bouillon clair appelé zôni. Pour l’occasion, on utilise des baguettes spéciales, plus rondes, et dont l’une des extrémité sert à prendre les ingrédients destinés à exposer sur l’autel familial, en hommage aux ancêtres et aux dieux. Les humains eux, se servent de l’autre extrémité des baguettes.
Régal à tous les étages
La boîte supérieure contient des kurikinton, un mélange de patate douce et de marrons très sucrés. À côté sont disposés des tranches roses et blanches de kamaboko (pâté de poisson blanc cuit à la vapeur), de l’omelette roulée très sucrée (datemaki), des œufs de hareng salés (kazunoko), des tazukuri (petites sardines séchées et sucrées) et des haricots noirs sucrés (kuro mame) et même une langouste pour les plus luxueux.
La boîte du milieu est principalement remplie de morceaux de poissons grillés (en général de la daurade), de poulet rôti et de crevettes. On y trouve aussi des tranches de racines de lotus vinaigrées.
Enfin, la troisième boîte contient des légumes au vinaigre sucrés ou mijotés (nishime) et du varech (kobu) enveloppant divers ingrédients (kobu-maki).
Tout un monde de symboles
La plupart de ces plats ont deux fonctions : ils peuvent se garder longtemps (osechi-ryôri est né bien avant l’apparition des réfrigérateurs) et ils revêtent une signification symbolique. Ainsi, les œufs de hareng représentent la fécondité. Les crevettes ou langoustes, avec leurs longues antennes et leur forme courbée, symbolisent la longévité. La forme en demi-cercle du kamaboko fait penser au premier lever de soleil de la nouvelle année.
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Les tranches roses du kamaboko, dites rouges en japonais, sont de la couleur porte-bonheur tandis que le blanc symbolise la pureté. On retrouve cette association de couleurs dans l’arrangement de certains autres ingrédients d'osechi. La racine de lotus, elle, avec tous ses trous, symbolise un futur que rien n’obstrue.
On joue également sur la signification des mots ou de leur sonorité : kobu-maki dont la prononciation est proche de celle de yorokobu, qui signifie "se réjouir". Kuro mame, les haricots noirs, traduisent l’espoir d’une vie en bonne santé permettant de travailler dur, comme le suggère le mot mame.
Les temps changent
De nos jours, avec le changement des habitudes alimentaires, la présence des réfrigérateurs et l’ouverture des magasins même le Jour de l’An, de moins en moins de ménagères consacrent du temps à la préparation de ces mets traditionnels. Les familles les commandent soit au supermarché, dans un grand magasin et même au konbini (supérette ouverte 24H/24), soit elles n’utilisent que quelques ingrédients traditionnels, faits maison ou achetés, combinés à d’autres mets de fête. Acheté à l’extérieur, osechi est très couteux car il faut compter au moins 10 000 yen, voire dix fois plus pour une cuisine raffinée et des ingrédients de choix.
Cependant, les jeunes générations semblent ne pas beaucoup apprécier cette nourriture plus symbolique que savoureuse et qui se répète à chaque repas. Pour leurs aînés, osechi ryôri évoque des souvenirs d’enfance liés à la fête et aux vacances. Pour eux, c'est tout un monde de nostalgie.