Kissaten, les cafés rétro japonais 喫茶店
Un salon de thé de style japonais
Au pays du thé vert, le café ne manque pas d’amateurs ni d’établissements où en déguster. Cette boisson aurait été importée au Japon à la fin des années 1800 et le premier café aurait ouvert au début des années1900. Mais c’est au début de l’ère-showa que l’engouement pour ce breuvage pris son élan avec l’ouverture des kissaten, des établissements qui voulaient recréer l'ambiance des cafés européens.
L’histoire des kissaten
Ouverts au début du XXème siècle, les kissaten se multiplièrent jusqu’au début des années 1980 et s’immiscèrent dans tous les quartiers des villes, attirant la clientèle locale : étudiants dans les secteurs des universités, salarymen près des immeubles de bureaux et habitants dans les quartiers résidentiels. On en comptait environ 10 000 en 1935 mais leur âge d’or se situe dans les années 1960, lorsque l’économie japonaise battait son plein.
À partir des années 1980, au moment de la "bulle économique", des cafés plus chics et plus modernes, nommés "Café" et non kissaten, virent le jour et les années 1990 signèrent la fin des kissaten. Il ne s’en ouvrit pratiquement plus alors que des chaines de café commencèrent à s’accaparer du marché.
Salon de thé ou café ?
Paradoxalement, kissaten signifie "salon de thé". En effet, lorsque ces établissements d’un nouveau genre ouvrirent au Japon, un décret stipula qu’ils devaient servir au moins du thé (la boisson non alcoolisée la plus courante au Japon) et des pâtisseries ou des plats légers.
Mais ces "salons de thé" se voulant une imitation des cafés européens, notamment des cafés parisiens, on y servit aussi du café, boisson qui était devenue très populaire auprès d’une partie de la population. Aux boissons vinrent donc s’ajouter des plats simples et rapides : sandwichs, spaghettis, hamburgers, curry japonais ou encore de l’omurice (une omelette fourrée au riz à la sauce tomate).
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En quoi les kissaten diffèrent-ils des autres cafés ?
Outre pour la saveur de leur café, traditionnellement filtré à la main avec soin par le ou la propriétaire des lieux, les kissaten étaient et sont encore fréquentés pour leur ambiance. Ici, loin du style des nouveaux cafés branchés ou des célèbres chaines de cafés étrangères ou japonaises, les établissements sont en général de petite taille, garnis de boiseries, à l’ambiance feutrée et enfumée (ils résistent à l’obligation d’avoir un coin fumeur et un coin non-fumeur) et souvent très sombres.
On n’y vient pas pourvoir et se faire voir comme cela peut être le cas dans certains cafés chic, mais au contraire, pour le sentiment d’intimité et le calme qu’ils procurent. On y est souvent bercé par la musique préférée des propriétaires : jazz, classique ou autre. Quant à la décoration et au mobilier, ils n’ont en général pas changé depuis la date de l’ouverture de l’établissement et la vaisselle nonplus ! On y boit son café dans des tasses de porcelaine du siècle dernier.
En plus de la musique, les clients peuvent profiter des livres, des magazines et des mangas (selon les endroits) qui sont mis à leur disposition.
De nos jours, leurs prix, surtout celui du café, est plus élevé que dans la plupart des autres cafés maisil est aussi souvent meilleur.
Enfin, les kissaten ouvrent très tôt le matin pour servir des petits-déjeuners de style européen et ferment en général assez tôt (vers 18 heures) bien que certains endroits soient ouverts tard.
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Qui fréquente les kissaten?
Au début, ces cafés "à l’occidentale" furent surtout fréquentés par les jeunes, notamment les étudiants, attirés par la nouveauté et rêvant de cet Occident lointain. Ils y passaient des heures à siroter une boisson tout en révisant leurs cours. C’était aussi un endroit où les amoureux osaient s’aventurer en couple, fait encore très rare dans le Japon du début du XXème siècle.
La jeune clientèle fut rejointe par les " salarymen" (employés de bureau) qui, étant partis très tôt de leur domicile, venaient souvent prendre un petit déjeuner à l’occidentale : toasts, beurre, confiture et café pour un prix modique. A une époque où peu de personnes pouvaient écouter de la musique chez eux, les kissaten attiraient aussi les mélomanes qui, pour le prix d’une tasse de café, pouvaient rester des heures à écouter la sélection du patron du lieu.
De nos jours, la clientèle des kissaten est surtout constituée de personnes âgées, principalement des hommes, des habitués qui aiment venir y déguster leur café tout en fumant leur cigarette et en lisant le journal.
Les kissaten : témoins d’un Japon en voie de disparition
Pénétrer dans un kissaten permet d’avoir un aperçu de ce qu’étaient ces cafés si populaires jusqu’au début des années 1980. La décoration, l’ambiance, les clients qui fument et enfument, les menus sans surprise mais aussi le personnel, souvent aussi âgé que l’établissement lui-même, plongent le visiteur dans un Japon révolu. Un Japon où on ne parlait pas encore du méfait du tabac, où les menus végétariens étaient réservés aux moines, où on ne prenait pas sa boisson en photo pour la partager sur les réseaux sociaux et où on prenait tout son temps assis à une table devant un bon livre et une tasse de café bien fumante.
Allez-y vite : ces cafés sont souvent tenus par les membres d’une même famille et les propriétaires actuels ne seront certainement pas remplacés par leur progéniture….
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Quelques adresses de kissaten à Tokyo
Un classique et l’un des plus originaux. Bavard.es s’abstenir :on y boit son café en silence tout en écoutant de la musique classique.
Informations pratiques
Adresse : 2-19-13 Dogenzaka, Shibuya-ku
Accès : gare de Shibuya
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Café de L’ambre
Ouvert en 1948, c'est l'un des plus anciens kissaten de la capitale. Situé dans le quartier chic de Ginza, il offre plus de 30 variétés de cafés. Contrairement aux autres établissements de ce genre, souvent très silencieux, ici, on ne se retient pas de bavarder. Attention, l'endroit peut être assez bondé le week-end.
Informations pratiques
Adresse : Ginza,10-15 Chôme
Accès : gare de Shinbashi
Café Trois Chambres
Ouvert en 1980, cet endroit est dans la pure tradition des kissaten : les boiseries, la porcelaine, le quasi-silence et les clients plongés dans la lecture...
Informations pratiques
Adresse : Yuasa Bldg 2F, 5-36-14 Daizawa, Setagaya-ku
Accès : gare de Shimokitazawa
Monozuki
Avec ses vitraux, ses vieilles horloges et son jazz, ce café ouvert en 1975 offre un plongeon dans le passé.
Informations pratiques
Adresse : 3-12-10 Nishiogi-Kita, Suginami-ku
Accès : gare de Nishi-Ogikubo, sortie nord
Kayaba coffee
Cet établissement a ouvert ses portes en 1938 mais le bâtiment qui l'abrite date de 1916.
Informations pratiques
Adresse : 6-1-29 Yanaka, Taito-ku
Accès : gare de Nippori