Tokyo-Ga, de Wim Wenders 東京画
À la recherche du Tokyo d'Ozu
Tokyo-Ga, ou Les Images de Tokyo, est le carnet de voyage de WimWenders, parti à la recherche du Tokyo filmé par Yasujiro Ozu (1903-1963), pendant ses quarante années de carrière.
Tokyo-Ga est un carnet de voyage de Wim Wenders sur les pas du réalisateur japonais Yasujiro Ozu.
Ozu, le "plus Japonais" des réalisateurs
Tokyo-Ga est donc un hommage au réalisateur japonais YasujiroOzu, dont l'oeuvre est restée relativement méconnue en France,jusque 1978 et la sortie en salle de Voyage à Tokyo, Le Goût duSaké et Fin d'Automne – soit 15 ans après la mort du réalisateur. Ozu seconcentre dans tous ses films sur les rapports familiaux et leurévolution, ce qui donne un aspect universel à son œuvre.
Cependant, il est qualifié du "plus Japonais" desréalisateurs du fait de ses techniques de réalisation trèsreconnaissables. Le "plan tatami", filmer une scène auras du sol, est notamment devenu sa marque de fabrique. Laréalisation d'Ozu est très pure, et sans effet de manche, en toutesobriété : on observe les personnages, des détails, et letemps qui s'écoule. Il n'hésite pas à se focaliser sur le vide,qui devient un personnage à part entière de ses films.
Ses 54 films forment à eux tous une chronique du Japon, et plus particulièrement de Tokyo. Celle-ci dépeint un monde en pleine mutation, voire même envoie de disparition, comme le découvrira Wim Wenders.
Le voyage à Tokyo de Wim Wenders
Tokyo-Ga se réfère notamment au film d'Ozu Voyage àTokyo, et commence d'ailleurs par les premières images de ce film : un couple de personnes âgées, vivant dans un portau Sud du Japon, va se rendre à Tokyo pour la première fois, tout comme Wim Wenders. Ils vont rendre visite à leurs enfants. L'accueil qui leur est réservé reste plutôt froid, qu'il s'agissede leur fils ou de leur fille, tous deux démissionnaires. Ozucritique ici le Japon d'après-guerre, très américanisé, où lesrapports familiaux se délitent. C'est à cette même conclusionque va arriver Wim Wenders avec son propre film.
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Ainsi, au printemps 1983, soit trente ans après la sortie du film d'Ozu, il s'envole pour Tokyo. Il commence alors, non pas un pèlerinage comme il le précise, maisplutôt une longue balade, au hasard des rues et des quartiers de lacapitale japonaise. La voix de Wim Wenders rythme ses pérégrinationsdans Tokyo. Son ton monotone est accompagné de la musique de Dick Tracy, qui souligne la dimension surréaliste de ce périple. Cetteerrance s'arrêtent le temps de trois interviews : celle del'acteur phare d'Ozu, Chishu Ryu ; vient ensuite celle duréalisateur Werner Herzog ; et enfin, l'émouvante entrevueavec Yuharu Atsuta, l'assistant caméra devenu caméraman principald'Ozu.
Wim Wenders peine pourtant à cacher sa déception : lui quirecherchait le Tokyo poétique et profond dépeint par Ozu au fil deses films, ne semble trouver qu'une ville superficielle et bruyante.Au fur et à mesure du film, cependant, Wim Wenders sembleapprivoiser la ville, si différente de celle qu'il attendait, etfinit par y trouver, à son tour, une certaine poésie. Wim Wendersnous laisse avec une certaine nostalgie et des images magnifiques deTokyo en tête.
À vous de jouer !
Si le Tokyo d'Ozu semble s'être évaporé, celui découvert parWim Wenders au milieu des années 1980, est, lui,toujours accessible. C'est maintenant à vous de partir à sarecherche avec l'itinéraire qui suit.
Wim Wenders fait beaucoup de plans dans les métros aériens : on y voit les grattes-ciels et les néons défiler. Il vous suffira d'un petit tour dansla Yamanote Line entre Shibuya et Shinjuku pour être, à votre tour,hypnotisé par l'effervescence de Tokyo. En vous arrêtant àShinjuku, vous pouvez vous aussi passer par le Golden Gai, ces six rues aux multiples bars plus minuscules les uns que lesautres, mais toujours très agités !
Promenez vous au parc de Ueno, et pourquoi pas ne pas vousjoindre au hanami, le pique-nique sous les cerisiers en fleurs, tradition japonaises'il en est ! Vous pouvez ensuite aller voir les golfeurs tokyoïtess'entrainer sur le toit d'un gratte-ciel à Akihabara, et tapez, à votre tour dans une balle !
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Arrêtez vous ensuite dans l'un des nombreux pachinkode Tokyo, et ressentez cette ambiance particulière qui fascine tantle réalisateur allemand. Si vous souhaitez découvrir les secrets de la nourriture enplastique, disposée devant chaque restaurant, directionKappabashi-dôri. Il est même possible de vous inscrire à unatelier pour apprendre à faire vos propres aliments!
Allez faire un tour à Disneyland, ou, tout comme Wim Wenders,changez d'avis et préférez aller admirer les danseurs de tous les âgesdu parc Yoyogi, qui twistent sur les tubes d'Elvis Presley tous lesweekends.
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Après être monté en haut de la Tokyo Tower pour un panoramaexceptionnel de la ville, partez vous mettre au vert à Kita-Kamakura, où vous pourrez rendre hommage à Ozu. Il est enterré autemple Engaku-ji et sa tombe est ornée du kanji "mu",qui signifie "l'impermanence". Dans l'enceinte de cetemple zen, à quelques kilomètres seulement du brouhaha constant deTokyo, peut-être vous sera-t-il possible de ressentir, finalement,la vision d'Ozu, sans même avoir besoin d'un objectif de 50mm.