Le wabi-sabi, un concept spirituel et esthétique 侘寂
Qu'est-ce que le wabi-sabi au Japon ?
Vivre une vie simple, accepter et apprécier l’imperfection de soi-même et surtout du monde qui nous entoure : voici comment pourraient être dessinés les contours du wabi-sabi, concept esthétique et spirituel japonais, très ancré dans la culture nippone.
Le plus difficile, dans le concept du wabi-sabi, ce n’est pas que de l’appliquer, mais aussi de l’expliquer. La différence est subtile mais démontre bien qu’encore une fois, les concepts japonais se vivent et s’éprouvent davantage qu’ils ne s’expliquent, à l’instar de l’ikigai, cette quête d'une vie heureuse et équilibrée.
Leonard Koren, architecte et théoricien de l’esthétique, a étudié durant de nombreuses années le concept de wabi-sabi et en a tiré un ouvrage "wabi-sabi", à l’usage des artistes, designers, poètes et philosophes, dans lequel il essaie de définir le wabi-sabi.
“Wabi-sabi est la beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes. C’est la beauté des choses modestes et humbles. C’est la beauté des choses atypiques.”
Tout en reconnaissant toutefois que, même à l’intérieur des frontières de l’archipel, la définition reste difficile à établir.
“C'est une notion difficile à expliquer, et bien que tous les Japonais soient prêts à affirmer qu'ils comprennent le sentiment associé au wabi-sabi, ils sont très peu capables de le formuler.”
- À lire aussi : Se ressourcer avec le zen
Les origines du wabi-sabi
Si l’on doit remonter aux racines du wabi-sabi, il faut se tourner vers l’univers feutré et délicat de la cérémonie du thé, car c’est ici qu’il a éclos. Au XIVème siècle, alors que la cérémonie du thé se veut fastueuse, utilisant majoritairement des objets luxueux et importés de Chine, aux formes touchant la perfection, Murata Shuko, moine zen, développa en réaction une cérémonie du thé plus simple.
Il choisit de servir le thé dans des ustensiles locaux, conçus de manière artisanale et laissant donc une grande place aux imperfections.
Si l’idée ne fit pas de suite des émules, au XVIème siècle, un maître de thé, Rikyu, remplaça lui aussi les luxueuses pièces chinoises par de l’artisanat local et alla même jusqu’à installer son pavillon de thé dans une demeure aux contours d’une hutte de paysans. Le wabi-sabi était né.
Le concept du wabi-sabi
Le wabi-sabi est constitué de deux principes entremêlés : wabi, qui fait référence à la plénitude et à la modestie que l’on peut éprouver en observant la nature et le sabi, la sensation que l’on ressent lorsque l’on voit des choses patinées par le temps ou le travail des êtres humains. L'éthique du wabi-sabi prône donc une vie menée par une sobriété maitrisée, où l'on est capable de déceler et d'apprécier l'impermanence, la beauté de toute chose humble et imparfaite.
Ainsi, la culture esthétique des pierres des jardins secs, le travail de taille des bonsaïs ou encore le kintsugi, savoir-faire de réparation à l’or des objets cassés, seraient autant d’illustrations contemporaines du wabi-sabi. Mettre en avant les imperfections d'un endroit ou d'un objet est une façon de le célébrer et de mieux l'apprécier. Dans le cas du kintsugi, la casse est signe de renouveau, non pas en la dissimulant mais au contraire, en la mettant en valeur. L'objet symbolise ainsi le début d'un nouveau cycle.
Quant aux bonsaïs, il est possible d'en admirer dans un lieu unique non loin de Tokyo, dans le quartier d'Omiya. Ce dernier abrite un musée du bansaï ainsi que de magnifiques pépinières.
Les céramiques japonaises hagi et raku peuvent elles aussi être de belles illustrations du concept de wabi-sabi. La poterie hagi s'illustre par une grande simplicité des formes et des tons neutres, tandis que les céramiques raku sont façonnées à la main, et arborent un aspect irrégulier, brut et craquelé, avec des coloris sombres.
- À lire aussi : Choisir et acheter des céramiques au Japon
Wabi-sabi : du spirituel à la décoration
Ce concept trouve aussi un écho dans la décoration et l'aménagement d’intérieur. Un intérieur digne du wabi-sabi est un intérieur s’illustrant dans l’épure, où l’on met en scène la beauté imparfaite de l’artisanat, où les couleurs naturelles prennent le pas sur celles plus vives. Le superflu et l'ostentatoire n'y ont pas leur place.
Le wabi-sabi irrigue donc tous les domaines de la vie. Quand l’imperfection et la modestie deviennent un art, il est difficile de ne pas s’en réjouir...
À lire aussi : 5 objets typiques de l'artisanat japonais