Takigyô : "l’ascèse de la cascade" 滝行
Un rituel japonais millénaire accessible à tous
Recherche spirituelle, défi ou simple curiosité, takigyô ou "l’ascèse sous la cascade", pratique d’origine religieuse qui consiste à rester quelques minutes sous les jets d’une chute d’eau, est devenue populaire auprès des non initiés. On la pratique sous la supervision d’un moine bouddhiste, d’un prêtre shinto ou tout simplement d’un guide.
Une pratique millénaire japonaise
Les différentes sectes bouddhistes japonaises ont toujours eu des pratiques ascétiques, allant du misogi - rituel purificateur qui consiste à s’asperger d’eau froide ou encore à pénétrer dans des lacs ou des rivières en plein hiver - au jeûne de plusieurs jours en passant par la marche sur le feu... Takigyô, "l'ascèse de la cascade", est l’une de ces pratiques. Comme toutes les autres formes d’ascèse, elle est censée purifier le cœur et emporter dans ses eaux les sentiments négatifs et/ou une mauvaise destinée. Au plus proche de la nature, on se rapproche également des dieux dont on obtient la bénédiction.
- À lire aussi : Hiwatari, le festival de la marche sur le feu
Pour les puristes, elle est considérée comme une sorte de renaissance. L’eau de la cascade est comparée au liquide amniotique dans lequel le fœtus se meut. Sous cette eau divine, le croyant retrouve l’innocence et la pureté d’un enfant à naître. Il peut donc recommencer une autre vie, lavé de tout.
Pendant des siècles, cette ascèse qui requiert une grande concentration et un entrainement régulier, fut réservée aux initiés : moines bouddhistes mais aussi prêtres shintoïstes, chamanes et surtout les yamabushi, ces moines reclus dans les montagnes pratiquant le shugendo, un ensemble de rites ésotériques et d’ascèses diverses.
Une tradition ancestrale accessible à tous
Cependant, depuis une dizaine d’années, cette forme d’ascèse semble être devenue "à la mode" et est accessible à tout un chacun. Elle est très populaire auprès des (jeunes) femmes qui, traditionnellement , sont souvent exclues de ces rites religieux. De nombreux touristes étrangers désirent également faire cette expérience unique lors d’un séjour au Japon.
Pour certains et certaines, cette pratique religieuse est plutôt synonyme de divertissement. Certains clubs de bien-être offrant cette expérience parlent même d’une "journée détox" ! Soif d’expérience, désir de communion avec la nature, envie de se surpasser ou tout simplement de se changer les idées, les raisons évoquées par ces ascètes en herbe sont nombreuses... Plus proches de la religion, certains participants évoquent également le besoin de se purifier, de conjurer le mauvais sort par "ce don de soi" à la nature.
La demande étant là, diverses organisations à caractère non religieux (clubs de sport, agences de tourisme, etc.) organisent depuis plusieurs années des journées pour faire l’expérience du takigyô avec l’assistance d’un guide. Certaines proposent même de filmer l’exploit et en vendent le DVD.
Certains temples ou sanctuaires proposent également cette activité aux laïcs.
En pratique, qu'est ce que le Takigyo ?
Malgré les dangers réels d’une immersion sous l’eau froide, parfois glacée, certains tours se disent ouverts à tous, des enfants jusqu’aux personnes âgées. Leurs conditions sont minimes, il suffit de se déclarer en bonne santé. Ils suivent néanmoins les rituels religieux. Après une prière au dieu de la cascade, les participants revêtent une tenue de karaté (sous laquelle il est parfois recommandé de porter un maillot de bain). Viennent ensuite des exercices d’échauffement et, après un salut ou une prière à la chute d’eau, les protagonistes s’aspergent d’abord avec l’eau du bassin de la cascade. Vient ensuite l’acte de bravoure purificateur : on se met sous l’eau qui coule, parfois aidé d’un bâton pour se maintenir debout. Pas plus d’une minute et demie pour les novices, plus pour les habitués qui le désirent.
Les moines bouddhistes et les prêtres shintoïstes qui acceptent la participation de laïcs à leurs séances de takigyô sont plus exigeants. Les participants doivent observer des règles strictes : les personnes en deuil (qui ont perdu un membre de leur famille dans l’année), les femmes ayant leurs règles ce jour-là, ou ceux qui sont en mauvaise condition physique doivent s’abstenir. Quant à ceux qui participent, ils ne doivent pas avoir bu d’alcool la veille de l’ascèse, ni avoir eu de rapports sexuels. Les femmes ne doivent pas être maquillées, ni même porter de vernis à ongles ou encore de bijoux. La tenue se résume à une simple tunique blanche – semblable à celle dont on habille les personnes décédées pour leurs funérailles. On attend de ces "ascètes" qu'ils soient empreints d'humilité, de repentir et de gratitude.
La pratique de l’ascèse est beaucoup plus ritualisée, avec le moine ou le prêtre récitant des prières, invoquant les dieux et exécutant divers gestes magiques. Les "ascètes" suivront alors le religieux sous les flots de la cascade dans une ambiance mystique.
- À lire aussi : Immersion spirituelle
Où faire l'experience du Takigyô au Japon
Envie de s’essayer au Takigyô ? Sachez qu’il existe plusieurs endroits au Japon où il est possible de profiter des cascades de manière encadrée. L’eau pouvant parfois être capricieuse, il est formellement déconseillé de s’y essayer seul(e). Les participants doivent être en bonne condition physique, et une décharge devra généralement être signée avant d’entamer l’activité.
1. Les bienfaits de la cascade Yuhi no Taki (Kanagawa)
Tout près de Tokyo, l’organisme Shugennokai organise régulièrement des ascèses sous Yuhi no Taki, une cascade miraculeuse et réputée pour ses vertus curatives. En effet, la cascade serait un haut lieu d’ascèses ! Et les religieux de la région y viendraient depuis plus de 1,000 ans pour profiter de ses bienfaits.
L’activité dure ici une heure, et comprend la montée au lieu de bain, le costume, la canne, le saké et un DVD commémoratif de l’expérience. Chaussures, serviettes et maillot de bain sont quant à eux à apporter.
INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
Adresse : Yuhinotaki, 2335 yakurazawa Mimamiashigara-city, Kanagawa, Japan
Prix : 9,000 yens par personne (74 euros), possibilité de réduction si l’activité est faite par plus de 5 personnes.
Réservation : par e-mail via le site de Shugnenokai
Itinéraire : l’organisme accueille les participants à la sortie sud de la gare Shimmatsuda à 09h00 (ligne Odakyu)
2. Une ascèse dans les montagnes à Bentendô Taki (Yamanashi)
Prisée pour ses montagnes et ses sources chaudes, la région de Yamanashi est aussi très appréciée des amateurs de Takigyô pour ses cascades. Au temple Bentendô, la cascade Bentendô Taki en est un parfait exemple. Perdue au milieu du relief environnant, elle accueille régulièrement plusieurs groupes de pèlerins pour des ascèses encadrées par les moines locaux. Une prière est récitée avant d’entamer la session, et la tenue est fournie par l’établissement.
INFORMATIONSCOMPLEMENTAIRES
Adresse :1245 Akazawa, Hayakawa-cho, Minamikoma-gun,Yamanashi, 409-2733 Japan
Prix : à demander lors de la réservation
Réservation : par téléphone au 0556-45-2122
Itinéraire : à 30 min en voiture de la gare Hadakajima(ligne Minobu)
- À lire aussi: Yamanashi et 10 choses à faire au Mont Fuji
3. Séjour en shukubo à Komadori Sanso (Chichibu)
Au Mont Mitake, M.Baba et sa femme accueillent les visiteurs dans leur shukubo pour un séjour d’exception. Prêtre shinto au sanctuaire Musashi Mitake, le propriétaire guide les pèlerins à travers la forêt et leur apprend les rudiments du zen depuis près de 20 ans. Après un copieux petit-déjeuner maison, il leur enseigne également la voie du Takigyô, qu’il pratique lui-même depuis ses 17 ans.
INFORMATIONSCOMPLEMENTAIRES
Adresse :155 Mitakesan, Ome, Tokyo 198-0175
Prix : à partir de 8,800 yens la nuit petit-déjeuner inclus (72 euros)
Réservation :demande de renseigne sur le site officiel du Shukubo
Itinéraire : à 6 min de téléphérique depuis la station Takimoto (8 min de bus depuis la gare Mitake)