Introduction à la poésie japonaise
Il n’y a pas que le haiku !
Lorsqu’on pense "poésie japonaise", on pense principalement au haiku, cette forme très courte connue pour saisir l’instant présent en trois lignes, parfois si concises qu’elles en deviennent énigmatiques, notamment pour ceux qui ne lisent ni ne parlent japonais. Aujourd’hui, le haiku a fait le tour du monde et a même conquis les poètes non Japonais. Cependant, la poésie japonaise est loin de se réduire à cette seule forme. Même s’il est difficile de faire le tour du sujet en un seul article, voici quelques clés pour découvrir la poésie japonaise.
Les 3 principales formes de poèmes japonais
Commençons d’abord par lever le voile sur les autres formes dans la poésie japonaise. Il en existe deux autres principales en plus du haiku : le tanka et le shi. Ce dernier se réfère à la poésie dite "occidentale". Le tanka quant à lui, correspond à une forme classique de poésie un peu plus longue que le haiku et suit un schéma syllabique 5-7-5-7-7. Il est donc plus long que le haiku, qui lui suit le schéma 5-7-5 (cette notation signifie que le premier vers comporte 5 syllabes, le second 7, etc.).
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Le tanka est lui-même une forme qui descend du plus ancien waka, un terme devenu suffisamment générique pour désigner la poésie classique japonaise dans son ensemble. C’est pourquoi les tanka aujourd’hui sont parfois appelés waka. D’autres formes existent, telles que le renga, le renku ou encore le chōka, la forme longue du waka ancien. Néanmoins, les formes principales appréciées et véhiculées parmi les communautés de poètes aujourd’hui sont bien le haiku, le tanka et le shi.
Matsuo Bashô écrivait-il vraiment des haiku ?
Voici le moment de faire un peu d’Histoire. Sans entrer dans les complexités de l’évolution de la poésie japonaise (elles sont nombreuses), nous pouvons en évoquer les grands jalons. Au tout début, comme dans de nombreuses cultures lettrées, la poésie est apparue non pas sous forme écrite, mais orale. Les poèmes étaient d’abord des chansons ou des récits au rythme particulier. Ensuite, avec la mise en écriture et l’influence de la civilisation chinoise, une nouvelle phase a commencé pour la poésie écrite.
Jusqu’au XVIIe siècle, la forme de poésie la plus répandue était le renku (une forme également connue sous le nom de haikai) qui consiste en un poème long - 17 vers successifs de 14 pieds syllabiques - écrit à plusieurs mains. Matsuo Bashō excellait dans l’art de produire des haikai et se retrouvait souvent avec d’autres poètes pour composer. Alors, comment se fait-il qu’il soit connu surtout comme grand poète de haiku ?
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Le haiku en tant que forme officielle n’ayant été reconnu qu’à partir du XVIIIe siècle, Matsuo Bashō écrivait en fait beaucoup de hokku, les 3 premiers vers du haikai, qui correspondent à une métrique de… 5-7-5 ! Peu à peu, ces trois vers se sont donc "désolidarisés" du long haikai traditionnel. C’est donc ainsi que Bashō a porté aux nues l’art du hokku, pour finalement le faire devenir une forme à part entière – et en fin de compte, la forme la plus populaire et la plus caractéristique de la poésie japonaise !
L’écriture collaborative de la poésie japonaise
Au Japon, il n’est pas rare que les poètes (de haiku ou autres) se réunissent pour des sortes de réunions de "composition". Cette pratique remonte à une vieille tradition chez les poètes japonais : la composition collaborative. Cela donne lieu non seulement à un exercice de style mais aussi une émulation créative entre les participants.
Cette pratique procède par ailleurs d’une tradition encore plus ancienne, qui faisait s’affronter les poètes dans une sorte de compétition. Ils devaient alors composer autour d’un thème donné sous le regard de juges. Le même principe s’applique aujourd’hui dans ces réunions de composition, même s’il n’y a plus de juge. Il n’y a pas non plus de gagnant ou de perdant, mais le plaisir de la composition artistique entre amis autour d’un thème choisi demeure.
Au cœur de la poésie japonaise : le kigo
Lorsqu’il s’agit d’écriture de haiku, chaque poète doit venir présenter un poème sur un thème défini à l’avance : le kigo. Voilà encore un terme technique : il s’agit d’une expression, un groupe de mots, un concept, relatif au changement des saisons.
Le Japon étant connu pour ses saisons très marquées et une culture où la nature est centrale, rien d’étonnant à ce que les passages entre saisons inspirent littérature et poésie. Par exemple, le moment où les fleurs de cerisiers perdent leurs pétales, qui s’envolent alors dans le vent créant ainsi des bourrasques roses dans le ciel, porte un nom : le sakura fubuki (tempête de fleurs de cerisiers). Ceci est un kigo qui peut se retrouver au cœur d’un haiku.
Où lire les poèmes japonais les plus connus ?
Les anthologies de poésie traditionnelle (waka) sont au nombre de 21. Elles répertorient des poèmes depuis la période Nara (710-794 après J.-C.) jusqu’à l’ère Muromachi (1336-1573). Les anthologies de haiku sont moins nombreuses mais tout aussi riches. D’autres recueils existent pour les diverses formes de poèmes évoqués plus tôt et pour celui qui cherche à explorer la poésie japonaise, se plonger dans ces recueils est indispensable.
Pour se familiariser davantage avec l’art de Matsuo Bashō, il faut incontestablement consulter Oku no Hosomichi, son œuvre majeure écrite lors d’un long voyage vers le nord, qu’il entreprit avec son disciple Kawai Sora l’été 1691. En français, cette œuvre à la fois en prose et en haiku (ce sous-genre littéraire est appelé haibun) est traduite par "La Sente étroite du Bout-du-Monde" ou encore "Le Chemin étroit vers les contrées du nord".
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