Le Japon de "Princesse Mononoke" (1997) もののけ姫
Les inspirations derrière le film
Paru en 1997, Princesse Mononoke est l’un des plus grands succès du réalisateur Hayao Miyazaki, du Studio Ghibli, mais aussi de l’animation japonaise. Si le film est fantastique et comporte de nombreux éléments magiques, il s’inspire aussi en grande partie de l’Histoire et des paysages du Japon.
Synopsis
Au XVe siècle, durant l'ère Muromachi, la forêt japonaise, jadis protégée par des animaux géants, se dépeuple à cause de l'Homme. Un dieu Sanglier transformé en démon dévastateur en sort et attaque le village d'Ashitaka, futur chef du clan Emishi. Touché par le sanglier qu'il a tué, celui-ci est forcé de partir à la recherche du dieu Cerf pour lever la malédiction qui lui gangrène le bras.
Ashitaka, un héros Ainu ?
Le héros de Princesse Mononoke, Ashitaka, est présenté comme appartenant à la tribu Emishi. Cette ethnie qu’on pense apparentée aux Ainu – population indigène principalement originaire de Hokkaido – vivait dans le nord-est de l’île de Honshu jusqu’au début de l’ère Muromachi (1336-1573). Ces tribus ont longtemps résisté à l’impérialisme et l’assimilation japonaise mais au Xe siècle, la plupart de leurs terres avaient été conquises par les shôgun, chefs militaires japonais chargés expressément de soumettre les Emishi.
Le village d’Ashitaka en particulier fait référence à un village résistant. Les différents personnages de ce film témoignent de la diversité sociale, mais aussi des mouvements socio-politiques complexes qui caractérisaient l’époque Heian (794-1185) - époque où les Emishi furent défaits ou repoussés vers Hokkaido. Le film met en lumière la disparition progressive de ces tribus qui vivaient dans la région de Tôhoku, à travers le départ d’Ashitaka et son non-retour : privé du prince, le village est implicitement voué à la disparition.
Lire : La minorité Aïnoue
Bien que les Emishi aient aujourd’hui complètement disparu (intégrés dans la population japonaise conquérante), les tribus Ainu de Hokkaido en sont présentées comme les descendantes. C’est pourquoi la culture des Emishi dans le film peut rappeler le mode de vie des Ainu observé plus tard dans l’île du nord du Japon.
Le Japon médiéval de l’ère Muromachi
Alors que Princesse Mononoke met en scène une tribu Emishi, dont la majorité fut intégré avant le XIVe siècle, on situe le film non pas à l’époque Heian, mais à la fin de l’ère Muromachi (1336-1573). Le Japon médiéval de Princesse Mononoke correspond à un Japon instable politiquement et socialement, marqué par le développement commercial, l’importation des armes à feu grâce à l’ouverture étrangère, et les combats – comme en témoignent par exemple les armes fabriquées par Dame Eboshi, qui elle-même tente de protéger son peuple par la force. Cette époque correspond au moment où le pouvoir des shôgun s’est installé à Kyoto.
Lire aussi : Chronologie simplifiée de l'histoire japonaise
On retrouvera trace de cette évolution dans la géographie de Kyoto : concentré de pouvoir, la ville restera encore la capitale du pays pendant près de trois siècles. C’est d’ailleurs de l’un de ses quartiers, où s’était établi le shôgun, que cette époque tire son nom. Les Pavillons d’Or et d’Argent de Kyoto datent tous deux de l’ère Muromachi et sont des symboles du pouvoir impérial. La ville est très peu dépeinte, si ce n’est lors du bref passage d’Ashitaka au début du film, mais elle est essentielle pour comprendre le phénomène à l’œuvre dans la volonté de repousser les limites de la forêt sacrée et de s’opposer à la tradition, un ancien monde incarné par les dieux de la nature.
Les kami, dieux de la religion shinto
Les anciens dieux sont au centre de l’intrigue de Princesse Mononoke : Moro, la déesse Louve et Okoto, le dieu Sanglier, sont des représentations des forces de la nature mises en danger par l’expansion des Hommes. En ce sens, le film d'Hayao Miyazaki fait référence directement aux croyances shintoïstes, religion animiste du Japon. Selon le shintoïsme, les dieux sont partout dans la nature qui nous entoure. Ce sont eux, les kami, qui animent notre monde. L’ultime dieu, le Dieu-Cerf, symbolise à lui seul la nature entière.
À lire : Le shintoïsme, croyance en la nature et ses forces
La religion shinto perdure aujourd’hui au Japon à travers ses nombreux sanctuaires, souvent placés sur des "emplacements de puissance" par rapport aux énergies de la nature. La forêt de Princesse Mononoke aurait pu être l’un de ces emplacements ! Selon la croyance, lorsqu’on entre dans un sanctuaire shinto, on pénètre dans le domaine des kami. L’idée d’un monde où ils foulent la même terre que les Hommes corrobore la vision shintoiste du film.
La forêt de Princesse Mononoke à Yakushima
Si le film présente plusieurs époques en une, il s’inspire également de lieux disparates sur le territoire japonais : entre références aux paysages de Hokkaido et à Kyoto, la capitale commerciale du sud de Honshu, vient se glisser la forêt sacrée. Celle-ci existe bel et bien au Japon, mais sur une petite île au sud de Kyushu appelée Yakushima. De nombreux fans mais surtout des randonneurs se rendent sur l’île pour explorer une nature quasi tropicale, sauvage et préservée. Les paysages y ressemblent à s’y méprendre à la forêt de Princesse Mononoke, le Dieu-Cerf en moins…