Edo kiriko, un art de l'époque Edo 江戸切子
Les verres traditionnels de Tokyo
L'Edo Kiriko, littéralement "objet à facettes d'Edo", est un type de verrerie traditionnelle apparue dans la capitale japonaise à la fin de l'époque d'Edo (1603-1868). Désigné artisanat traditionnel national depuis 2002, l'Edo Kiriko se distingue par ses couleurs, sa grande variété de motifs et sa luminosité mise en valeur par une méthode unique de découpe du verre en facettes.
Un artisanat aux origines occidentales né à Edo
L’Edo Kiriko trouve son origine dans le travail d’un artisan du quartier de Daidenma-cho à Edo (l'ancien nom de Tokyo), Kyubei Kagaya.
Propriétaire d’un magasin de vente en gros de perles, cet artisan verrier commence en 1834 à sculpter et tailler la surface de verres et de bouteilles en provenance du Royaume-Uni à l’aide de poudre d’émeri; une roche d’une grande dureté qui une fois réduite en poudre peut s’utiliser comme abrasif pour la taille et le polissage du verre. Ces sculptures de Kyubei Kagaya sont considérées comme les premiers Edo Kiriko.
Une anecdote relate que le Commodore Perry, commandant les célèbres "bateaux noirs" américains arrivés au Japon en juillet 1853, se serait vu offrir une bouteille sculptée par le maître artisan. Le militaire aurait été alors fortement surpris et impressionné par la délicatesse des verres taillés de Kagaya et des compétences nécessaires pour mener à bien ce travail.
En 1873, la verrerie Shinagawa Kogyo est fondée dans le cadre de la politique de développement industriel du gouvernement Meiji. Emanuel Hauptmann, un ingénieur anglais expérimenté dans les techniques modernes de découpe du verre y est invité en 1881 pour prodiguer ses conseils et transmettre de nouvelles compétences aux artisans verriers japonais. L’apport technologique britannique couplé au savoir-faire nippon donne un essor sans commune mesure à l’Edo Kiriko.
De nombreux ateliers voient le jour dans les quartiers Koto, Sumida, Edogawa, Katsushika et Ota à Tokyo ainsi que dans d’autres secteurs hors de la capitale dans les préfectures de Saitama, Chiba, Kanagawa et Ibaraki.
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La technique de l'Edo Kiriko
La technique développée à la fin du 19ème siècle est toujours celle que les artisans verriers utilisent aujourd'hui. Cette persistance de la tradition a valu à l’Edo Kiriko la reconnaissance des plus grandes instances culturelles japonaises. Il a été désigné artisanat traditionnel de Tokyo en 1985 puis artisanat traditionnel au niveau national en 2002. L’appellation Edo Kiriko est d’ailleurs strictement contrôlée et réservée aux produits en verre fabriqués manuellement selon les techniques et outils traditionnels et produits dans la région du Kantô bien que la production soit surtout concentrée dans certains quartiers de Tokyo.
Le processus de production est divisé en plusieurs étapes :
- Sumitsuke (ou Waridashi) ou marquage : des repères verticaux et horizontaux sont marqués à la surface du verre pour servir de lignes directrices lors de la découpe.
- Arazuri ou meulage de dégrossissage : le verre est coupé à l’aide d’un disque métallique ou d'une meule afin de réaliser grossièrement les motifs et les premiers contours.
- Sanbangake ou découpe de précision : les découpes très fines permettant de dessiner les motifs les plus subtils sont pratiquées à l'aide d'une meule et de poudre d'émeri. Les motifs sont déterminés par la profondeur et l'angle de la coupe.
- Ishikake ou pierre à aiguiser : le verre est lissé grâce à une pierre à aiguiser.
- Migaki ou polissage : la surface du verre est polie à l'aide d'un abrasif hydrosoluble. Cette étape maximise la luminosité et la beauté des motifs.
- Bafukake ou lustrage : de l'oxyde de cérium dissous dans l'eau est appliqué sur la roue de polissage pour terminer le lissage et lustrer le verre.
À l'origine, ce travail se faisait uniquement sur un verre transparent. Mais depuis déjà plusieurs décennies, des verres colorés (rouge, bleu, jaune) ont remplacés les créations entièrement translucides. Ces objets sont composés de deux couches de verre : une couche colorée à l'extérieur et une seconde transparente à l'intérieur ; la taille des motifs sur la surface colorée faisant ainsi apparaître la couche intérieure.
De cette technique résulte le superbe jeu de contraste et de lumière des Edo Kiriko. L'appréciation des motifs et effets visuels dépendent grandement de la lumière et de l'angle selon lequel vous regardez un Edo Kiriko. Ainsi, en inclinant le verre, il est possible d'admirer de magnifiques reflets arc-en-ciel. Une chose impossible à voir avec un banal objet en verre moderne.
Une tradition toujours ancrée dans Tokyo
Une autre caractéristique et non des moindre est l'immense variété de motifs rencontrée : chrysanthèmes, feuilles de chanvre, carapace de tortue, cloisonnés ou feuilles de bambou ne sont que quelques exemples. Motifs géométriques, naturalistes, décoratifs, traditionnels... sachez que la liste est longue ! De plus, les artisans ne cessent d'ajouter de nouvelles formes au long répertoire traditionnel.
On peut ainsi trouver aujourd'hui des Edo Kiriko reproduisant des kumadori (maquillages de scène des acteurs de kabuki). À l'inverse, certains motifs très en vogue durant l'âge d'or de l'Edo Kiriko qui couvre l'ère Taisho (1912-1926) et le tout début de l'ère Showa (1926-1989) tombent en désuétude. C'est le cas du motif "hasudome" qui n'est plus produit aujourd'hui que dans un seul atelier de la capitale. Cela est fort dommage surtout lorsque l'on sait que ce dernier change d'apparence une fois le verre rempli d'eau !
Les supports eux-aussi ont évolué au fil du temps. L'Edo kiriko se décline sur des verres, des bouteilles, des plats, des verres à sake, des verres à whisky, des luminaires et des cadrans de montre. Si l'on comptait encore 700 artisans Edo kiriko il y a 50 ans, aujourd'hui ce chiffre est bien moindre. Ils ne sont plus qu'une centaine à perpétuer cet artisanat du verre vieux de 150 ans. Bon nombre d'ateliers se situent dans le quartier Sumida au pied de la Tokyo Skytree. La présence de ces ateliers d'artisanat traditionnel dans le quartier est d'ailleurs salué au sein de la tour elle-même. Ainsi la magnifique décoration intérieure en verre sur le thème des 4 saisons dans les 4 ascenseurs qui montent jusqu'à la terrasse d'observation de la Tokyo Skytree sont l'oeuvre de l'un des ateliers environnants.
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Où trouver et acheter des verres Edo Kiriko ?
- Sumida Edo Kiriko kan
À la fois hall d'exposition et boutique, le Sumida Edo Kiriko kan, fondé en 1899, retrace l'histoire, le processus de production de l'Edo Kiriko ainsi que les outils utilisés. Tous les objets présentés (plus de 350) sont en vente. Comptez environ 60 euros pour un petit modèle. Le petit plus du lieu : il propose des ateliers d'initiation (uniquement sur réservation et à partir de 4 320 yens (36,40 euros).
Adresse : 2 Chome-10-9 Taihei, Sumida-ku, 130-0012 Tokyo
Horaires : Ouvert de 10h à 18H. Fermé le dimanche.
Téléphone : +81 3-3623-4148
- Les boutiques Kagami Crystal (Ginza et Palace Hotel)
La verrerie Kagami Crystal a été fondée en 1934. Particulièrement renommée, elle fournit des objets en verre à l’agence de la maison impériale pour les réceptions officielles. N'hésitez pas à visiter l'une de ses deux boutiques qui proposent des objets Edo Kiriko.
Boutique Ginza
Adresse : Daiwa Building, 2-1, Ginza 6-Chome, Chuo-ku, 104-0061 Tokyo
Téléphone : 03-3569-0081
Horaires : ouvert de 11h à 19h30 (jusqu'à 18h30 le week-end). Fermé le jeudi.
Accès : à pied, à six minutes à pied de la gare JR Yurakucho ou à cinq minutes des stations de métro Tokyo, Ginza, Hibiya, Ginza et Marunouchi.
Boutique Palace Hotel
Adresse : Niveau B1, Palace Hotel Tokyo 1-1-1 Marunouchi, Chiyoda-ku, Tokyo 100-0005
Téléphone : 03-6206-3321
Horaires : ouvert tous les jours de 11h à 19h.
Accès : sortie C13b de la station de métro Otemachi du métro de Tokyo ou 10 minutes à pied de la gare JR de Tokyo.
Si vous souhaitez connaître d'autres adresses de boutiques et d'ateliers, vous trouverez toutes les informations utiles sur le site http://www.edokiriko.net/