Le Genji Monogatari de Murasaki Shikibu 源氏物語
Amour, gloire et beauté
54livres, 2 000 pages, 300 personnages... Tels sont les chiffresvertigineux du Genji Monogatari, monument de la littératurejaponaise. Cette fresque littéraire du 11è siècle, entrelacs d’intrigues amoureuses et politiques, estl’œuvre d’une dame d’honneur de la cour impériale, MurasakiShikibu (973-1014).
Les amours du prince
LeGenji Monogatari est le chef-d'oeuvre littéraire de l'époque deHeian (794-1185). Composé de cinquante-quatre livres, ce romanfleuve met en lumière un héros galant à la beauté insolente, lePrince Hikaru Genji. Les 41 premiers livres sont ainsi consacrés àses aventures amoureuses, sa carrière, son exil et son amour pourl'une des dames de la cour nommée Murasaki. Les 13 livres suivantrelatent la vie des personnages héritiers du Prince Genji, notammentson fils Kaoru, né de son union avec Dame Murasaki. C'est d'ailleursle nom de cette amante et héroïne qui sera utilisé pour surnommerl'auteure dont le patronyme de naissance est Tō-shikibu.Cette œuvre appartient au genre littéraire typiquement japonais dumonogatari que l'on traduit littéralement par "récit dechoses". Ce récit narratif qui mêle fiction et anecdotesréelles correspond à l'association de prose et de poèmes.
La dame de la cour
Dansle Genji Monogatari, Murasaki Shikibu exprime avec lyrisme etraffinement les sentiments et la psychologie de quelques 300personnages. La femme de lettres, fine observatrice de la société etdes mœurs de l'élite nippone du 11è siècle, y dépeint avec moults détails la vie quotidienne à la cour impériale.Née vers 973, elle est la fille du ministre des rites et descérémonies. Après le décès de son époux, cette aristocrateentre à la cour en tant que dame de compagnie de l’impératriceFujiwara no Shoshi et consacre alors une grande partie de son temps àl'écriture. Après le Genji Monogatari, elle s'attèle à larédaction de son journal et d'un recueil de poèmes.
Une reconnaissance unanime
Dès le 11è siècle, ses écrits bénéficient d'une réception et d'une diffusion exceptionnelle. Ils sont lus à la cour impériale et circulent de main en main. Le manuscrit original ayant disparu, la plus ancienne édition connue est un emaki (rouleau peint) du 12è siècle. Le premier manuscrit divisé en livres voit le jour au siècle suivant. Au début de l'époque d'Edo, le Genji Monogatari prend une nouvelle envergure en devenant l'une des plus importantes sources iconographiques de l'art japonais. Les genji-e désignent ainsi les estampes, les emaki, les éventails, les tissages, les kakemonos et les paravents illustrant la fresque romanesque. Ce classique connait également de nombreuses adaptations : au cinéma, en manga, en anime et même en opéra ! En 1998, la ville d'Uji ouvre un musée dédié, présentant l'univers de l'ouvrage par des dioramas, des documents, du mobilier et des costumes. Reconnu internationalement, le Genji Monogatari est traduit dans de nombreuses langues et attire les éloges de toute part. Marguerite Yourcenar, pour qualifier le génie de Murasaki Shikibu, lui attribue le sobriquet de "Marcel Proust du Moyen Âge nippon". En outre, elle publie en 1937 une nouvelle, "Le dernier amour du Prince Genji", dans laquelle elle imagine un récit prenant place entre les livres 16 et 17. Une saga littéraire qui a su traverser les siècles et les frontières !