Onigawara, démon architectural 鬼瓦
Des démons pour chasser le malheur
Dans l'architecture japonaise traditionnelle, des onigawara ornent les toits des bâtiments. Ce sont des tuiles qui revêtent le visage d'un démon japonais, appelé plus communément oni.
Le démon au coin du toit
La prochaine fois que vous visiterez un temple au Japon, ne vous contentez pas d'admirer les pagodes et les statues qui ont les pieds sur le sol. Levez la tête et déchiffrez l'architecture du toit du bâtiment. Un visage effrayant pourrait bien se démarquer au sommet. Ces tuiles nommées onigawara (littéralement "démon tuile") sont gardiennes de l'édifice.
La croyance japonaise veut que les dieux descendent sur terre et atterrissent sur la partie la plus élevée des temples. Ainsi, celle-ci est décorée et vénérée afin d'accueillir les divinités célestes. Les onigawara sont mis en place pour garder et protéger le poste des dieux. Ils agissent comme un talisman et empêchent les mauvais esprits de pénétrer les bâtiments, ne laissant entrer que le bonheur.
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Un oni est une créature très populaire du folklore japonais. On le retrouve beaucoup dans les légendes, les arts, la littérature et même le théâtre. Représenté comme un humanoïde géant à l'apparence effrayante et à la force titanesque, mais aussi muni de griffes et de cornes, l'oni n'inspire pas vraiment la sympathie et on n'en voudrait pas chez soi. Cependant, à l'origine la créature protégeait les humains d'autres esprits malfaisants. Ainsi les Japonais comptent sur eux et leurs pouvoirs magiques pour jouer les anges gardiens au même titre que les gargouilles que l'on trouve par chez nous.
Originaire de Nara
À la fin du VIè siècle, un maître de la tuile vint de Corée pour partager son savoir, et peu après fut bâti le premier temple avec un toit en tuiles à Asuka, la toute première capitale historique du Japon impérial, au sud de Nara. Également considéré comme le précurseur des temples bouddhistes au Japon, le temple Asuka-dera a vu naître l'onigawara mais à ce moment le motif était une fleur de lotus.
C'est donc dans la ville aux cerfs que les premiers onigawara à tête de démon ont été fabriqués, quand furent construits le palais Heijo et les temples de Heijokyo, ancien nom de Nara lorsqu'elle était capitale impériale au VIIIè siècle. Ces onigawara se trouvent aujourd'hui au musée du palais.
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Fabrication et expansion
Jusqu'au XIIè siècle, les onigawara étaient fabriqués en pressant de l'argile dans un moule, mais le mode de production fut modifié et ils étaient ensuite façonnés à la main. Les grands temples de Nara avaient même leurs propres artisans spécialisés. L'artisan du clan Tachibana travaillant au temple Horyuji serait le premier à avoir fabriqué un onigawara tridimensionnel à deux cornes, et les méthodes ont encore évolué les siècles suivants pour mener à l'onigawara tel qu'il est aujourd'hui répandu à travers le pays.
Pendant très longtemps, les onigawara n'étaient installés que sur les toits des temples et des palais ou châteaux. À l'époque, les maisons n'en avaient pas l'utilité puisque la plupart étaient en toit de chaume. Mais à partir de la fin de l'époque Edo (1603-1868), les toits en tuiles étaient privilégiés, car résistants aux incendies très fréquents. Aussi, on évitait d'installer des onigawara avec des visages d'oni sur le toit des résidences privées car le démon regardait de travers la maison du voisin.