Le parfum au Japon
Une affaire de culture ?
Si vous venez au Japon, vous remarquerez sûrement que les Japonais portent peu de parfum. Jugé trop entêtant pour certains, ou simplement "inutile" pour d'autres, le parfum tel qu'on le conçoit en Occident peine à trouver son marché au pays du soleil-levant. Pourtant, le Japon n'est pas dénué d'odeurs parfumées. Et vous trouverez bel et bien du "parfum" au Japon, si vous êtes prêts à revoir votre définition du terme.
Un pays qui n'aime pas beaucoup l'eau de toilette
D'après un article du journal Le Monde paru en 2016, 60% des Japonais de plus de 60 ans n'auraient jamais porté de parfum. Les Japonaises, elles, en porteraient de temps en temps, mais toujours avec parcimonie.
En effet, le Japon n'est pas réputé pour son amour de l'eau de toilette. Jugé trop entêtant, le parfum ferait tourner les têtes, mais surtout les mœurs dans une société de groupe qui n'admet pas qu'une personne se démarque du lot… qu'elle sente bon ou non !
C'est notamment ce qu'avance l'historien Jean-Marie Buissou, spécialiste du Japon contemporain :
"Quelqu’un dont on sent l’odeur dans le métro, c’est mal vu, ça ne se fait pas. On n’entre pas dans la sphère privée d’autrui sans y être invité."
Cette "nuisance" olfactive aurait même un nom au Japon : le "Kôsui Kôgai", littéralement "la pollution au parfum" !
Une culture du parfum tardive
Il faut dire que le Japon n'a pas le même rapport au parfum que les pays occidentaux, et notamment que la France, où le parfum est un élément indispensable du quotidien de la noblesse dès le XVIIème siècle.
À une époque où les bains n'étaient pas très en vogue, le parfum servait alors à cacher les mauvaises odeurs. On l'appliquait ainsi sur les accessoires en cuir, et, petit à petit, le parfum commença à migrer sur les vêtements et autres tissus de salon qu'on pouvait trouver à la cour du roi. Résultat, au XVIIIème siècle en France, on se parfumait de la tête aux pieds.
Au Japon, c'est une autre histoire. Le parfum n'arrive au nez des Japonais qu'au XIXème siècle, après que le pays ait ré-ouvert ses frontières à l'Occident, et les prix excessifs des flacons font que ces derniers peinent à trouver preneur. Seule une poignée de personnes en achète, et les achats sont dès lors plus motivés par la curiosité que par une réelle nécessité.
Aujourd'hui encore, bien que le niveau de vie ait considérablement augmenté depuis la période de Meiji (1868-1912), le parfum tel qu'on l'entend en Europe n'a pas vraiment réussi à séduire les Japonais. Et d'après les chiffres donnés par le média Kotoba, le marché atteignait à peine 300 millions d'euros en 2012 pour les 120 millions d'habitants que le pays compte. À contrario, en France où la population est deux fois plus petite, le marché du parfum était estimé à 1,9 milliard d'euros cette année-là.
- Lireaussi : L'ère Meiji (1868-1912)
Un pays qui a quand même des senteurs parfumées
L'arrivée tardive du parfum sur l'archipel et les codes sociaux prohibant l'usage de senteurs parfumées dans les lieux publics voudraient-ils dire qu'on ne trouve quasiment pas de parfum au Japon ? Tout dépend de la définition qu'on attribue à ce dernier !
En effet, il existe bel et bien du parfum sur l'archipel. Et cela depuis des siècles ! La différence réside simplement dans l'usage qu'on en fait.
Si en France il est coutume de se parfumer soi-même, au Japon le "parfum" est réservé à la sphère domestique. Salon, salle de bain, cousins, rideaux, les effluves parfumées qu'on vaporise quittent alors rarement l'intérieur de la maison. Une manière de respecter ainsi les mœurs en vigueur, en permettant de profiter de ses senteurs préférées sans empiéter sur la sphère (olfactive) d'autrui.
Parmi les parfums les plus utilisés, les fleurs et les fruits ont le vent en poupe. Ils prennent alors la forme de désodorisants d'intérieur, et on les utilise aussi bien en spray qu'en gelée.
Niveau senteur, n'oublions également pas l'encens qui est l'un des plus vieux "parfums" que les Japonais utilisent !
Introduit au Japon en 754 par le moine bouddhiste Ganjin (célèbre également pour avoir introduit les préceptes du bouddhisme sur l'archipel), l’encens servait alors à tout un tas de choses : aux processions religieuses tout d'abord, mais également à prévenir de certains maux grâce à ses vertus thérapeutiques et à chasser les mauvaises odeurs dans les maisons.
Indispensable au quotidien, un art a même été crée en son honneur durant la période Sengoku (1450-1573): le Kôdô
- Voiraussi : L'époque Sengoku, l'ère des provinces en guerre
Véritable activité traditionnelle au même titre que la cérémonie du thé, le kôdô est un art ritualisé visant à apprécier les fragrances du bois d'encens. Les participants doivent alors sentir les différents bois brûlés, et écouter leurs fumées pour deviner leurs origines.
Si le kôdô était avant tout un passe-temps pour la noblesse de l'époque, il était également un très bon moyen de faire travailler ses sens. Et aujourd'hui encore, les amateurs de cet art traditionnel s'y adonnent aussi bien pour le plaisir duparfum que pour développer leur odorat.
Où acheter du parfum au Japon
Si vous désirez néanmoins acheter du parfum dans le sens occidental du terme, sachez qu'il existe plusieurs endroits au Japon où vous pourrez assouvir vos envies d'eau de toilette. À commencer par les depâto, les grands magasins japonais.
Réputés pour leurs produits de luxe, les depâto sont alimentés par de grandes marques internationales comme Chanel ou Dior. Vous pourrez donc y trouver sans mal quelques best-sellers bien connus des parfumeries françaises, à l'image du célèbre Chanel Numéro 5 par exemple.
À noter cependant que les prix y sont un peu plus chers qu'en France (importation oblige).
Pas très fan des "grands" parfums ? Tournez-vous vers les chaînes de cosmétiques étrangères comme L'Occitane en Provence ou The Body Shop ! En plus des produits de base de la marque qu'elles représentent, ces chaînes proposent des fragrances spécialement conçues pour le pays qui les accueille. Amateurs de fleurs de cerisiers, c'est donc là-bas qu'il faut aller au printemps.
Enfin, si l'envie vous prend de tester les parfums japonais, faites un tour du côté des drug stores.
Certes, ces grandes drogueries sont célèbres pour leurs produits d'entretien et leurs médicaments, mais sachez qu'on y trouve également de nombreux cosmétiques… et du parfum ! Ces derniers sont alors bien souvent des marques locales peu connues à l'étranger, et ils ne tiennent pas beaucoup sur la peau, contrairement aux parfums occidentaux. Cela dit, leur prix mini raviront les petits-budgets : entre500 à 1 500 yens (entre 4 et 12 euros) le flacon !
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