Ama: les plongeuses artisanales japonaises
Qui sont les dernières sirènes du Japon ?
Tourà tour considéréescomme objetsde fantasme, femmes d’affaire émérites, etgarçons manqués, les amafascinent depuis des siècles par leur métier unique et leurcaractère bien trempé. Sielles ont fait vivre autrefoisleurscommunautés de pèchegrâceà la récolte de perles et d’oursins,cesfemmes âgéesaujourd’hui deplusde 60ans sontles dernières gardiennes d’un savoir-faire millénaire en voie dedisparition : laplongée traditionnelle en apnée.Quisont vraiment les ama ?Que reste-t-il de leur pratiqueà l’heure de la plongée industrielle ? VivreLe Japonvous emmène aujourd’huisurles traces des dernières sirènes du Japon.
Laplongée artisanale : une activité en perdition
6hdu matin. Le soleil est seulement levé depuis quelques heures surles côtes de la préfecture de Mie, et déjà un groupe de amas’attelle à partir en mer.
Accompagnéesd’un tamae,un conducteur de barque à moteur, cesfemmes âgées de 50 à 75 ansse dirigent vers les vagues avec pour seulesarmes un panier et un burin.Leur objectif ? Plongeren apnée jusqu’à 10 mètres de profondeur pourrécolter lesplus beaux trésors que les flots ont à offrir.
Celapourrait faire sourire à l’heure de la pêche industrielle etpourtant, elles sont encoreaujourd’huiune petitecentaine à travers le Japon àpratiquer la plongée artisanale.
- Voir aussi: Où faire de la plongée au Japon ?
Répanduesurles côtes sud de l’archipel,la plongée en apnée a de tout temps été une affaire de femmes.Lesplongeuses apprennent les rudiments du métier dès l’âge de 15ans,et s’entraînentplusieurs heures par jour sous l’œil de leurs aînées enattendant le moment où elles pourront elles aussi participer à lasaison des plongées. Demars à novembre,c’était donc un bonmillierde femmes qui plongeaient seins nus sur les côtes japonaises il y acinquante ans de cela.
Aujourd’hui,les plongeuses ont vieillies. Etc’estdésormaisrevêtuesd’une combinaison de plongée qu’elles bravent les eaux froidesdu Pacifique. Pendant deux à trois sessions de une heure et demiechacune,elles espaceront ainsi unevingtaine de plongeons de 5 à 10 minutes en apnée. Uneperformance qui leura valu le surnom de ‘’sirènesdu Japon’’,et qui afait d’elles de véritables moteursde l’économielocale.
Eneffet, le butin des plongeuses estinestimable :ormeaux,algues, oursins,ou encore perlespourles plus chanceuses d’entreelles,lespaniersdes amas’arrachentcommedes petits pains à la sortie del’eau.Leursprises sont généralement vendues fraîches à la collectivité depèchedont ellesdépendent, et ces dernières (notammentles perles etles ormeaux) peuvent facilement atteindre plusieurscentaines d’euros !
Siautrefois ce précieux trésor permettait alorsauxpetits villages maritimesde vivre confortablement, aujourd’hui la donne achangé.Et avecl’exode ruralet lapossibilité de faire de longues études,peu de jeunes filles de campagne sont désormais prêtes à sacrifierleur rêve de citadines au profit d’une vie à la mer. C’estpourquoi lapratique est en déclin,etles mamiesplongeuses de Mie sont probablement les dernières gardiennes d’unsavoir-faire millénairevoué à disparaître.
Desfemmes d’exceptiondans une sociétépatriarcale
Sic’est surtout pour leur talent de plongeusesémérites que les amasont célèbres au Japon,c’est également pourleur statutimportant ausein de leur communauté depèchequ’elles attirenttous les regards. Unstatut qui dérange autant qu’il fascine, puisqu’ilva à l’encontrede tout de ce qui estattendu des femmes dans la société japonaise.
Tropmusclées pour être féminines, trop bavardes pourêtre discrètes, lesplongeusesjaponaises sont eneffet bien loinde l’image habituellede la femme douce et simple qu’onten tête les Japonais.Elles ont untempérament de feu,et leuractivité a même redéfini les logiques du ménage traditionnel,puisque ce sont ellesqui font vivre le foyerdans une société où l’homme est censé subvenir au besoin de lafamille.
Piliersfinancier duménage, elles ont également unimportant pouvoir religieux.Et cesont encore aujourd’huiles seules femmes àjouer un rôle de premier plan au même titre que les élusmunicipauxdans les processions localesen l’honneur de la déesse Amaterasu, la déesse du soleil dont elles détiennentlaprotection.
Cecôté hors des normes, denombreux artistes s’en sont inspiré. Acommencer par les estampistes de l’époque Edo (1603-1868) qui ont représentéles amacomme de véritablessirènes, séduisantes mais dangereuses pour legenre masculin.
Quelavenir pour les AMA ?
Bienque de nos jours les communautés de pèchede Mie ne vivent plus aussi bien de la plongée des ama,ces femmespleines de ressources continuent de tout mettre en œuvre pour faireprospérer leur activité. Uneactivité qui se dote désormais d’un nouveau pendant. Le tourisme.
Toujourstrès populaires auprès des voyageurs japonais, les plongeusesartisanalessont eneffetdevenues de véritablesshowwomen !Elles n’hésitent plus aujourd’hui à faire démonstration de leurs talentspour le plus grand plaisir des photographes amateurs. Et couplentbien souvent leur travail de plongeuse à un petit job àtemps partieldans lesrestaurants locaux,où elles parlent de leur profession avecferveur touten servant le fruit de leur labeur.
Letourisme resteeneffet pourle moment lemeilleur moyen desauver cet art millénaire en voie d’extinction,en sensibilisant les voyageurs à la disparition des traditionslocales et en ancrant la pratique dansle folklore japonais.
Intéressé(e) par la vie des dernières plongeuses traditionnelles japonaises ? Munissez-vous de votre Japan Rail Pass et partez à leur rencontre dans la préfecture de Mie.