L’art des plaques d’égout japonaises 日本のマンホール
Poésie urbaine
Fleuries, colorées, peuplées d’animaux et de mascottes… Les plaques d’égout des villes japonaises sont uniques en leur genre ! Elles sont même devenues, grâce à leurs incroyables décors, de véritables attractions touristiques. Pensez à regarder où vous mettez les pieds !
Au Japon, chaque ville décore ses plaques d'égout de façon différente et originale.
Des égouts fleuris
Aussi surprenant que cela puisse paraître, vous risquez de rentrer du Japon avec quelques photos de plaques d’égout dans votre album souvenir… Cet élément du mobilier urbain, a priori dénué de tout intérêt, devrait en effet retenir votre attention à plus d’un titre.
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Les manhôru (mot japonais dérivé de l’anglais manhole, “bouche d’égout” en français) n’ont pas grand chose à voir avec les plaques austères qui jonchent nos trottoirs occidentaux. Au Japon, les couvercles en fonte forment un véritable imagier composé de paysages idylliques et de créatures kawaii. Ce sont les fleurs et les sites naturels qui sont le plus représentés : fleurs de cerisier, bonsaï, hibiscus et lotus s’invitent, avec leurs couleurs vives, sur la grisaille de la chaussée.
L’idée d’un bureaucrate
Mais les plaques d’égout nippones n’ont pas toujours été aussi bucoliques ! Les premières, apparues dans les années 50, étaient tout à fait banales. C’est au début des années 80 qu’un haut-fonctionnaire du ministère des Travaux Publics, las de constater que plus d’un tiers des foyers japonais n’était toujours pas relié aux systèmes d’évacuation municipaux, décide de rendre les plaques d’égout plus attractives.
Une opération séduction pour le moins incongrue est pourtant couronnée de succès ! Les villes et les villages se sont mis à créer leurs propres motifs, en lien avec le patrimoine local ; un projet pris très à coeur, à en croire les milliers de modèles de plaques qui existent aujourd’hui à travers le pays. Il existerait quelque 12 000 motifs différents d’après le GKP (Gesuido Koho Purattofomu ou programme de promotion des égouts). Même le musée Ghibli a ses propres manhôru !
À chaque localité ses décors
Du mont Fuji aux daims de Nara en passant par le Shinkansen ou le pont de la baie de Yokohama, chaque ville s’est choisi un ou plusieurs symboles ; des oiseaux, des poissons, des bateaux, des pagodes, des sites naturels ou des édifices emblématiques donnant aux manhôru des airs de cartes postales. Sans oublier les yurukyara, ces adorables mascottes ambassadrices des villes et des préfectures.
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Un engouement populaire
Aujourd’hui encore, les plaques d’égout japonaises restent un objet de curiosité pour les voyageurs, voire un objet de collection pour les amateurs, qui n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour photographier une plaque inédite. Ces "manholers" exhibent ensuite leurs découvertes sur les réseaux sociaux. Le compte Instagram Japanese Manhole Covers, créé en 2013, compte ainsi plus de 230 photo de manhôru.
Des cartes à collectionner
Preuve de cette popularité grandissante, le premier sommet annuel des manhôru s’est tenu en 2014, à Tokyo. L’occasion pour les fabricants de réfléchir à de nouvelles campagnes de promotion, à l’image de ces cartes à collectionner lancées en 2016 par le GKP.
Sur chacune des 170 cartes sorties jusqu’alors, vous trouverez la photo d’une plaque d’égout assortie de ses coordonnées GPS et de quelques explications sur le motif. Impossible de se les procurer sans avoir visité une station d’épuration ou une usine de fabrication de manhôru. À moins, bien sûr, de les acheter aux enchères...