Yabusame, l'arc des dieux 流鏑馬
Cupidon nippon
Cet art martial ritualisé, qui fait intervenir un archer monté à cheval, faisait hier partie du dur entraînement des samouraïs. Il mélange valeurs zen et chevaleresques, et est toujours pratiqué par lors de cérémonies shintoïstes.
Alors que la pratique de l'arc est ancienne au Japon, et a donné naissance à l'art du kyûdô ("la voie de l'arc"), c'est la recrudescence des combats à cheval à partir de l’époque Heian (794-1185) qui a donné naissance aux cavaliers archers japonais. Une discipline requérant une grande habileté, de l’équilibre et de la concentration.
Pour parfaire la maîtrise du tir à l’arc à cheval de ses samouraïs, le shôgun Minamoto no Yoritomo impose au début de la période Kamakura (1185-1333) un nouveau type d’entraînement : le yabusame. Equipés de flèches sans pointe, les cavaliers s’élancent au galop sur une piste de 255 m de long et doivent, durant cette course effrénée, atteindre trois cibles en bois disposées à intervalles réguliers.
La popularité de cette technique de tir à l'arc croît rapidement jusqu'à devenir un véritable rituel. Arme fétiche de Jinmû, fondateur légendaire du Japon, l’arc est depuis toujours un symbole de puissance et de maîtrise pour les Japonais.
La flèche et les dieux
Un rituel religieux, qui vise notamment à s'attirer les faveurs des dieux : si l'archer atteint sa cible, les récoltes seront bonnes !
Car comme de nombreux arts martiaux nippons, le yabusame est empreint de bouddhisme zen et de spiritualité shintoïste. Il agrège des préceptes et des valeurs qui tiennent à la fois au minimalisme zen (concentration, raffinement) et au bushido, le code d'honneur des samouraïs, d'ailleurs apparu à la même époque que le tir à l'arc monté.
Lors de son apprentissage, les préceptes zen sont enseignés à l'archer pour une parfaite maîtrise du corps et de l'esprit dans la bataille. Participer à ce rituel était un honneur immense... parfois trop : son importance devint telle que bon nombre de samouraïs se donnèrent la mort par seppuku - le suicide par éventration - en raison de performances médiocres.
Un rituel immortel
Avec la disparition progressive des guerres civiles et l’arrivée des armes à feu sur le sol nippon, la pratique perd peu à peu de sa popularité au XVIème siècle.
Mais aujourd'hui deux fameuses écoles, Ogasawara ryu et sa rivale Takeda ryu, continuent de faire perdurer la tradition du yabusame. Un ensemble de règles, compilées dans le "Yabusame-shahou", a permis la transmission des principes ancestraux de cet art martial, considéré comme une expression du raffinement martial japonais.
Le yabusame est toujours pratiqué à l’occasion de diverses cérémonies religieuses. L’une des plus importantes est organisée chaque année au mois d’avril par l’école Takeda ryu à Kamakura (à une heure de Tokyo) dans le sanctuaire Tsurugaoka Hachiman-gu. Ces événements spectaculaires attirent les foules, venues admirer les prouesses des archers ou revivre les traditions de l’âge d’or des samouraïs.