O-bon matsuri お盆祭
Distraire les âmes
L’été au Japon, ce sont des feux d’artifice qui embrasent le ciel dunord au sud de l’archipel, des fêtes joyeuses et colorées. Les Japonais flânent vêtus d’un yukata, un kimono d’été en coton léger. C'est aussi l'heure de fêter les défunts.
O-bon, bon (le o placé devant le nom est un terme honorifique) ou urabon, traduction en japonais du terme sanscrit Ullamabana, signifiant "terrible affliction", est la fête japonaise des morts.
Bienvenue sur terre !
L'O-bon vient d'une croyance bouddhiste selon laquelle l’âme des défunts revient sur terre trois jours par an (vers le 15 juillet dans l’ancien calendrier lunaire qui était en vigueur au Japon, et entre les 13 et 16 août dans le calendrier grégorien). Les rituels varient selon les régions et les différentes sectes bouddhistes, mais le principe reste le même : les familles "accueillent" l’âme de leurs défunts et font tout pour rendre agréable leur bref retour sur terre.
D’abord, elles placent des lanternes où brûlent des morceaux de bois devant leur porte d’entrée pour éclairer le chemin : ce "feu" est appelé mukaebi, "le feu d’accueil". La tradition veut aussi que l’on fabrique un "cheval" avec un concombre piqué sur quatre bâtonnets pour servir de monture aux âmes et une "vache" avec une aubergine plantée elle aussi sur quatre petites piques, pour porter leurs bagages.
De nos jours, on peut acheter un ensemble déjà tout prêt (dont une statuette de cheval en paille) dans tous les supermarchés : illustration parfaite du cliché selon lequel le Japon est un "pays moderne qui a su conserver ses traditions" !
Trois petits tours et puis s’en vont
L’âme ayant retrouvé son domicile, la famille lui fait des offrandes de nourriture (les plats que le défunt affectionnait et parfois de l’alcool, selon ses goûts terrestres !) sur l’autel familial présent dans toutes les demeures japonaises. Contre rémunération, un moine du temple où sont enterrés les aïeuls viendra dire une messe au domicile de la famille.
Le dernier jour, les familles allument l’okuribi, le feu pour raccompagner les âmes aux cieux. Certaines personnes placent "l’esprit du défunt" dans de petites lanternes de papier carrées, toro, qu’elles déposent sur un rivière ou sur la mer, pour les aider à retrouver le chemin du paradis. Ceci donne lieu à de ravissantes célébrations au bord de l’eau nommées toronagashi ou encore shoronagashi.
Dans la ville de Kyoto, la célébration Daimonji Gozan okuribi, attire chaque année des milliers de personnes qui viennent prier pour leurs ancêtres, mais aussi pour tous ceux qui ont eu une mort cruelle. Le 16 août, d’immenses feux de presque 200 mètres de long représentant des caractères chinois sont allumés et brûlent une trentaine de minutes sur les monts de l’ancienne capitale impériale. Le plus célèbre est situé sur le mont Nyoigatake, où l’immense idéogramme "daï" (大), signifiant grand, embrase la colline et se voit depuis des kilomètres à la ronde. Le spectacle de cette nuit kyotoïte est unique et extraordinaire.
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Entrez dans la ronde !
Dans l’enceinte de certains temples bouddhistes mais aussi de sanctuaires shintoïstes ou parfois sur les places des villes ou des villages, on installe une estrade sur laquelle et autour de laquelle, le soir, les gens viennent danser le Bon Odori, la danse du Bon, sorte de ronde effectuée au son des flûtes et des tambours japonais. Cette danse était à l’origine destinée à distraire l’âme des défunts. Chaque région possède sa danse et sa musique spécifiques.
De nos jours, ce sont surtout les personnes âgées ou les jeunes enfants, en général vêtus de yukata, qui participent à la ronde.
Comme pour toutes les fêtes traditionnelles, matsuri, les stands de nourriture, yatai, sont présents et on se régale de yaki soba (nouilles sautées), tako yaki (boulettes de pâte avec du poulpe), kakigori (glace pilée arrosée de sirop) et autres mets spécifiques aux matsuri, sans oublier la bière !
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L’ambiance est bon enfant, les lampions qui éclairent la scène lui confèrent un côté féérique et tout le monde est invité à entrer dans la ronde, alors, n’hésitez pas à vous joindre aux participants et à vivre des moments authentiques. Pour trouver ce genre de festivité, regardez à l’entrée des temples ou sanctuaires de votre quartier si l’on a affiché un programme de Bon odori. Selon les régions, la fête a lieu à la mi-juillet (c’est le cas de Tokyo, en général) ou du 13 au 16 août.
Si vous voulez assister à des fêtes de plus grande envergure, ne manquez pas les suivantes :
- Dans la préfecture de Gifu, le festival de Gujo Odori dans la ville de Gujo, dure pendant trente-deux nuits ! Un mois de danses et de festivités où chacun peut participer. C’est également l’occasion d’admirer de nombreuses danses folkloriques régionales. Les derniers jours du festival (du 13 au 16 août), les troupes de danseurs se relaient toute la nuit pour un spectacle non-stop de 20h à 5h du matin.
- Sur l’île de Shikoku, la ville de Tokushima est célèbre pour son festival de danse Awa Odori qui daterait de 1578 et qui attire des milliers de spectateurs à la mi-août (du 12 au 15 août).
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- À Tokyo, à la mi-août, rendez-vous au parc Sumida Shinsui Terrace, près du pont Azuma-bashi où des milliers de lanternes en papier sont mises à flotter sur le fleuve Sumida. Vous pouvez en acheter une, écrire un vœu et la laisser emporter vos souhaits au fil de l’eau…
- À Hiroshima, où plus de 150 000 personnes ont péri sous le feu atomique, une cérémonie commémorative a lieu tous les 6 août. Le soir, des milliers de lanternes sont mises à flotter sur la rivière Motoyasu, juste en amont du Parc du Mémorial de la Paix d’Hiroshima.