Fugu, le poisson-poison ふぐ
" Poisson-globe ", "poisson-lune", mais quel est ce poisson ?
Il est rare, (très) cher, et en principe impropre à la consommation.Ce n'est pas qu'il soit spécialement savoureux, mais le poisson-lune attire les curieux et les amateurs de sensations fortes. Son secret : le poison qui coule dans ses veines, que seuls des cuisiniers qualifiés savent neutraliser… et finalement, ce sont eux les stars du poisson-lune.
Un poisson vénéneux peu ordinaire
Le fugu est surnommé "poisson-lune" ou "poisson-globe" car il se gonfle en absorbant une grande quantité d'eau pour repousser ses prédateurs en se hérissant alors de piquants, opérant ainsi une véritable métamorphose. Mais il possède une autre arme redoutable : le poison que contiennent ses organes (le foie, les ovaires et les yeux) : la tétrodotoxine, une toxine neurotoxique plus puissante que le cyanure. Ses effets sont fulgurants : la langue s’engourdit d’abord, puis les lèvres et la bouche entière. Le système nerveux est atteint, la victime peut être prise de convulsions, perdre la parole, être paralysée puis perdre conscience et en mourir. Quatre à huit heures : c’est le délai moyen de survie après l’absorption du poison. Il n'y a pas d'antidote. Chaque année, on déplore au Japon plusieurs empoisonnements liés à une mauvaise préparation de ce poisson.
Cependant, grâce à une législation stricte, le nombre de victimes a diminué et récemment aucun décès n’a été enregistré. Certaines personnes, par défi, se risquent à gouter au fruit défendu, tel le célèbre acteur de théâtre kabuki, Bandô Mitsugorô VIII (1906-1975), qui avait voulu impressionner ses invités en se risquant à goûter le foie de l'animal…et qui a succombé à sa bravade.
- À lire aussi : Les poissons les plus populaires au Japon
Qui peux cuisiner le poisson Fugu ?
Afin d’enrayer les intoxications, une législation stricte encadre la préparation et la vente du fugu. La vente du foie et des parties venimeuses du poisson est interdite. Le gouvernement demande également aux pêcheurs de fugu ou aux particuliers à qui des tiers en ont donné, de ne pas les faire préparer eux-mêmes car c’est là la principale cause des intoxications.
Seuls les fugu préparés par des spécialistes reconnus par les préfectures peuvent être vendus aux consommateurs. Les cuisiniers de fugu doivent suivre une formation d’un minimum de trois ans et pouvant aller jusqu’à cinq ans avant de passer un examen très difficile, qui, s’ils le réussissent, leur permettra d’obtenir le certificat d'Etat nécessaire à l’ouverture d’un restaurant de fugu.
La préparation consiste à découper le poisson encore vivant, en évitant de percer le foie ou les organes reproducteurs, où sont nichés le poison. Pour se faire, les chefs utilisent un couteau spécial, le fugu hiki, qu’ils rangent à part (au cas où il aurait été en contact avec du poison). De plus, les parties vénéneuses interdites à la vente sont jetées dans une poubelle qui ferme à clé pour plus de sécurité!
Où manger du fugu en toute sécurité ?
Il existe quelque 3 800 restaurants de fugu dans tout le Japon, dont environ 800 situés à Tokyo. Cependant, la plupart des établissements servant du fugu se situent autour de deux ports qui rapportent le plus gros des prises du célèbre poisson : Shimonoseki (sur la mer du Japon, à l'extrême sud-ouest du Honshu), et Oita entre la station thermale de Beppu et Usuki , sur l’ile de Kyushu.
Shimonoseki s'est même autoproclamée "capitale japonaise du fugu", et rend hommage à son poisson fétiche chaque année, le 9 février. C’est dans le marché de cette ville que passe la moitié des prises nationales, et que quelque 50 chefs patentés y sont installés. C’est également à Shimonoseki qu’à la fin du XVIème siècle, des soldats du chef de guerre Hideyoshi furent intoxiqués pour avoir mangé du fugu et qu’ainsi sa consommation fut interdite pendant deux siècles. Elle fut de nouveau autorisée grâce au premier ministre Hirobumi Ito (1841-1909), qui, de passage à Shimonoseki, ayant goûté au fugu et l'ayant fort apprécié, "réhabilita" le poisson-globe.
Sans aller jusqu'à Shimonoseki ou Oita, on trouve des tables très réputées à Tokyo, par exemple la fameuse Usukifugu Yamadaya (étoilée par le guide Michelin, attention à l'addition...) ou à Osaka, chez Zuboraya.
En général, les chefs affichent au mur de leur établissement le certificat prouvant qu’ils sont aptes à servir ce poisson hautement dangereux. Puisque le fugu se prépare vivant, la plupart des restaurants exposent l'aquarium dans lequel les poissons nagent les dernières heures de leur vie.
Le degré de qualification des chefs et la forte demande des consommateurs (10 000 tonnes par an au Japon) font de ce poisson une denrée chère, voire exorbitante.
Sashimi Et nabe : Le Goût Du Danger
Généralement, le fugu constitue un repas à part entière. Un "menu fugu" débute par un plateau de très fines lamelles de poisson crues, sashimi à la sublime chair translucide que l’on trempe délicatement dans une sauce acide et pimentée parfumée de ciboulette japonaise.
Le poisson se déguste ensuite bouilli, museau compris, plongé dans un nabe ( marmite) avec champignons, légumes et tofu, le tout arrosé d'un verre de hirezake, un saké dont la bouteille contient un aileron de fugu.
C'est à la fin de ce repas que la vérité du poisson-globe se révèle, une fois que les lèvres sont légèrement anesthésiées par l'infime dose de poison qu'il contenait encore. Fade pour certains, subtilement exquis pour d’autres ... L’idée d'avoir goûté à la mort et d'en être sorti vivant n’est certainement pas étrangère à l'engouement de certains pour le poisson-lune…
Et si vous avez envie de connaitre cette sensation unique, voici notre sélection d'adresses : 8 restaurants de fugu à Tokyo.