Les Tanuki : entre légende et réalité 狸
Le surprenant yôkai japonais
Facétieux et bienveillant, le tanuki est un yôkai particulièrement apprécié du folklore japonais. Sous son allure de raton-laveur au ventre bien charnu et sa bonhomie apparente, le tanuki est une icône populaire aux pouvoirs bien singuliers…
Le conte de la théière magique
D’origine chinoise, la légende du tanuki apparait au Japon entre le IV ème et le VII ème siècle. Il est alors perçu comme une créature malveillante ; une image héritée des légendes chinoises dans lesquelles le tanuki, ayant pris apparence humaine, hante les hommes.
Mais au fil des siècles, son image évolue faisant de lui un personnage inoffensif et farceur, synonyme de prospérité. Des textes japonais du XIII ème siècle le mentionnent, mais il reste relativement méconnu jusqu’au début du XVII ème siècle. C’est à cette époque que s’opère le changement.
Les légendes de l’époque d’Edo (1603-1868), comme le conte Bunbuku Chagama, le façonnent comme une créature fantastique capable de prendre n’importe quelle apparence. Dans certaines histoires, il doit placer une feuille au-dessus de sa tête au préalable. Le Bunbuku Chagama apparu au XVII ème siècle connaît de nombreuses variantes. Dans sa version la plus populaire, un pauvre homme libère un tanuki d’un piège.
Souhaitant le remercier, le tanuki se transforme en chagama (bouilloire en métal utilisée lors de la cérémonie du thé) et dit à l’homme de le vendre. Le moine du temple Morin-ji à Tatebayashi achète la bouilloire-tanuki et la place sur le feu. Ne supportant la chaleur, le tanuki ne peut empêcher ses membres de réapparaitre et s’enfuit du temple. De retour chez l’homme, le tanuki lui suggère de proposer une attraction payante à la population : celle d’une théière marchant et dansant sur une corde raide. L’homme y trouve la fortune et le tanuki un foyer. Après ce succès, la théière serait retournée au Morin-ji où elle est toujours visible.
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Les attributs magiques du tanuki
À l’époque d’Edo, le tanuki, au cœur de nombreuses légendes, devient soudain très populaire ; à tel point qu’il devient un thème récurrent des estampes ukiyo-e. Créature métamorphe, il dispose également d’un bien curieux pouvoir : un scrotum surdimensionné ! Selon la légende, son scrotum gigantesque, appelé kinbukuro (sacs d’argent) ou kintama (boules dorées), peut s’étirer pour atteindre la dimension de 8 tatamis. Parfois, il est même question de 1 000 tatamis !
Cette étrange et ahurissante faculté trouverait son origine dans le travail d’orfèvres et métallurgistes de la préfecture de Kanagawa. Ceux-ci avaient l’habitude d’envelopper l’or dans une peau de tanuki (chien viverrin) lors de sa transformation en fines feuilles. La peau souple et forte permettait de marteler l’or le plus finement possible. Ainsi serait né le mythe du scrotum géant et étirable.
Les estampes ont contribué à sa diffusion ; faisant du kinbukuro un élément caractéristique indispensable du tanuki. En 1842, Kuniyoshi réalise une série d’ukiyo-e mettant en scène les incroyables et surprenantes capacités des scrotums de tanuki. Le scrotum sert ainsi de filet de pêche, de bateau, de parapluie, de couvertures…
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Dans la culture populaire
Aujourd’hui, le tanuki est toujours représenté avec un grand scrotum mais également avec un chapeau de paille, tenant une bouteille de saké et un tsûchô (livre de comptabilité) ; une image désormais classique datant de l’ère Taisho (1912-1916). Il utilise également son gros ventre comme tambour pour produire la mélodie : "pompoko pon pon".
Pompoko est d’ailleurs le titre de l’anime d’Isao Takahata, produit par le Studio Ghibli en 1994. Dans celui-ci, les tanuki se battent pour stopper des travaux de construction et conserver leur habitat naturel en pleine campagne. La tradition du scrotum géant y est d’ailleurs maintenue, puisque les tanuki d’Isao Takahata utilisent leurs scrotums en parachutes ! La culture populaire s’est complètement appropriée ce yôkai.
Le tanuki est employé comme mascotte, personnage d’anime ou de jeux vidéo. Le légendaire plombier à moustaches a acquis la capacité de se transformer en Mario-tanuki dans Super Mario Bros 3 en 1988. Devant les restaurants et les bars, vous trouverez souvent des effigies de tanuki ; cette créature facétieuse aimant la nourriture et le saké. Ces statues sont pour la plupart produites dans les ateliers de céramiques de Shigaraki (préfecture de Shiga). Quelques temples sont dédiés au kami tanuki. Le Yashima-ji à Takamatsu et le Chingodô à Asakusa en sont de parfaits exemples.